Dans le travail de l’artiste liégeois Benoît Platéus tout est toujours question d’images. Que l’on ne compte pas sur lui pour suralimenter la saturation visuelle dans laquelle nous sommes immergés. Ses œuvres se tiennent à la lisière de l’effacement. Le processus varie, mais la règle reste la même. Il joue avec la nature transitive des images et les informations qu’elles véhiculent. Quitte à les faire disparaitre.
Depuis 2011, Benoît Platéus rassemble des récipients vides ayant contenu des produits chimiques qui sont utilisés dans les techniques de développement de films photographique. Il verse des résines colorées dans ces bidons et à mesure que le liquide se solidifie, d’autres couches y sont ajoutées afin de constituer des strates pigmentées, opaques ou translucides. Épousant les courbes du contenant, celles-ci se mêlent les unes aux autres. Parfois de façon diffuse, d’autres fois de manière plus contrastée. Le récipient une fois délaissé, ce qui est donné à voir résulte de l’imprévu, né comme par accident et dicté par la sédimentation du matériau. La pratique de Benoit Platéus se veut intuitive. L’accident ingénieusement provoqué devient alors source de composition.
Intitulées « Kodak Flexicolor » ou « Ilford BW developer », ces œuvres mi-images mi-volumes s’appréhendent en tant que surfaces sensibles. Elles s’ouvrent à des projections multiples, insaisissables et d’une extrême profondeur. Les teintes vives que l’artiste sélectionne évoquent les résultats chimiques qui s’opèrent sur le papier photosensible. Sans que le sujet soit révélé, l’observateur est libre d’imaginer la narration contenue dans les couleurs agglomérées des volumes. Des visions latentes qui suggèrent plus qu’elles n’explicitent la somme des images qui auraient pu surgir de l’utilisation de cette chimie.
En l’espace de 30 ans, les préoccupations de l’artiste sont restées identiques. Platéus ne manipule pas la réalité pour créer des possibles. Il s’empare des détails de ce qui nous entoure et s’emploie à révéler ce qui est dissimulé ou inexploité dans le visible déjà usé par les regards. Qu’il s’attaque à la photographie, à la peinture ou à la sculpture, l’observation et la manipulation des réalités et des fictions que les images charrient constituent l’objet principal de son champ d’investigations.
La série de peintures « BTS » imaginée en 2015 précise cette démarche. Tout comme pour les bidons de produits chimiques, le processus consiste à partir d’objets récupérés dont il recycle la lecture. Il s’agit ici d’anciennes affiches de film qu’il vient coller face contre toile avant de les peindre dans des tons blanc et beige sur l’envers. Des fragments de texte et les contours d’une figure se devinent ici et là tandis que la majorité de la composition est engloutie par les nuages opaques d’acrylique qui brouillent la lecture de l’ensemble. La série se compose d’œuvres a priori abstraites, mais dans lesquels les sujets sont rappelés par les titres évocateurs. « Le Bourgeois Gentilhomme” ou « A Armes Egales » encourage l’œil a s’y retrouver et à déceler quelques traces, sans pouvoir autant les analyser.
Issu de la génération traversée par la révolution digitale et l’explosion de l’imagerie numérique, Benoit Platéus dilue le sens des images originales de manière subtile et détournée. Par des techniques d’effacement, de zoom, de fragmentation ou de surimpression, l’image devenue trace fait écho à un passé en train de disparaître ou à un imaginaire si proche qu’il en sembler réel. Une nouvelle narration est alors possible. Sans limites, à la recherche de nouvelles formes de représentation, Benoit Platéus sonde le potentiel insoupçonné du visible et du monde qui nous entoure pour le faire basculer dans un espace à dimension variable.