Eija-Liisa Ahtila, Potentiality for Love
Potentiality for Love (2018) est une installation mêlant sculpture et technologie de l’image en mouvement. À travers cette œuvre hybride qui s’articule autour de trois éléments, l’artiste finlandaise Eija-Liisa Ahtila propose une nouvelle lecture du monde qui nous entoure. Chacune des parties est porteuse d’un récit qui lui est propre, mais prises ensemble, elles explorent la capacité qu’ont les humains à ressentir de l’empathie et de l’amour pour l’ensemble des êtres vivants.
Le premier des éléments de ce triptyque est une juxtaposition de panneaux de LED vintage qui, observé à une certaine distance, diffuse l’image d’une femme flottant dans l’espace. Peu à peu, l’image se focalise sur la jeune femme jusqu’à ce qu’elle occupe l’écran dans son entièreté. On la voit ensuite faire des gestes vers les spectateurs comme si elle tentait d’étreindre ceux qui l’observent. Deux tables sur lesquels sont disposés des miroirs de biais se tiennent aussi dans l’espace. Ces dispositifs s’apparentent à ceux utilisés pour traiter les douleurs des membres fantômes.
Cependant, au lieu de renvoyer l’image du bras du visiteur qui viendrait expérimenter l’installation, c’est l’avant-bras d’un primate qu’ils reflètent. Finalement, une projection de grande dimension de Jenny, un chimpanzé filmé de dos qui jette de temps à autre un regard par-dessus son épaule, vient compléter les deux premiers éléments.Dans ce travail, Eija-Liisa Ahtila attire l'attention sur le potentiel qu’ont les humains àporter de l’empathie non seulement envers leurs semblables, mais aussi envers les autres espèces. À l'heure des extinctions de masse et de la dégradation des écosystèmes, l’artiste propose une vision où l’homme occupe une position moins centrale dans la hiérarchie naturelle. Selon elle, la façon dont nous ressentons le monde qui nous entoure n’est en effet pas la seule manière de percevoir et de vivre la réalité.
Active depuis les années 90, Eija-Liisa Ahtila est une artiste et cinéaste connue pour ses installations vidéo désynchronisées et projetées sur plusieurs écrans. Proposant une lecture personnelle du monde qui nous entoure, sa pratique se situe aux limites de l’art vidéo et du médium cinématographique. Elle s’approprie le travail de l’image en mouvement et s’en sert comme outil afin d’en explorer les limites. Bien que son travail à ses débuts soit centré sur l’humain vu au travers des relations personnelles et psychologiques, les sujets qu’elle interroge depuis 2010 dans sa pratique s’orientent davantage vers notre rapport au monde naturel et au post-humanisme.
Dans sa pratique, on retrouve toujours une volonté de soulever des questions existentielles souvent sans réponses comme nos responsabilités en tant que personne face aux événements historiques (Fishermen / Etudes n°1, 2007) ou notre rapport à l’autre et au monde (The Annonciation – Marian Ilmestys, 2010). Ces questions, l’artiste les pose à chaque fois par le biais d’une approche inattendue, flouant les limites entre le familier et le surnaturel.
Le récit est central dans le travail d’Eija-Liisa Ahtila. Elle le détourne, lui impose une subjectivité volatile, et construit l’action autour d’éléments qui font cohabiter le familier avec l’étrange. Ses installations ne peuvent jamais être appréhendées dans leur ensemble, les récits sont répartis sur plusieurs projections pour nous empêche de saisir
le discours dans son ensemble.